En qualité de Grand témoin, Daniel Goldberg, Président de l’UNIOPSS, a fait part de sa vision du monde associatif d’aujourd’hui lors de l’Assemblée Générale 2024 d’Equalis. L’occasion pour lui de faire un état des lieux sur les politiques publiques, sur l’évolution dangereuse des solidarités dans notre pays, avant de conclure sur les temps électoraux qui nous attendent. Retour sur son intervention :
Je vois ici des visages de personnes engagées pour les solidarités dans notre pays, engagées dans le cadre de valeurs qui nous rassemblent. Ces valeurs rassemblent les bénévoles d’Equalis, les professionnels, elles rassemblent aussi les personnes accompagnées et les aidants.
Nous avons adopté, en décembre dernier, un projet stratégique et associatif de l’UNIOPSS qui s’appelle « Résolument humains ! ». Il a donné lieu à des semaines et des mois de réflexions en interne avec notre réseau.
L’UNIOPSS est une Union très large, présente dans une dizaine de secteurs d’activité des solidarités et de la santé : la lutte contre l’exclusion, le champ du handicap, de la santé, celui du grand âge, de la petite enfance, de la protection de l’enfance, du logement accompagné, de l’accompagnement socio-judiciaire, des IRTS, etc.
Pourquoi avoir une Union qui rassemble des structures agissant dans des secteurs si différents ? Parce que c’est notre spécificité. « Résolument humains ! », c’est ce qui fait aussi la force d’Equalis : c’est de penser d’abord au parcours de la personne.
Aujourd’hui, nous avons affaire à une politique publique séparée en silos. Ce fonctionnement met à mal le droit des personnes accompagnées, le pouvoir d’agir des professionnels et celui des associations.
Défendre les droits de personnes accompagnées, c’est défendre les possibilités d’action des professionnels. C’est aussi défendre le droit qu’il y ait des associations qui existent, certaines depuis très longtemps, et dont le droit à exister de manière autonome, afin de mettre en œuvre les politiques publics pour le compte de l’Etat et des Départements, est un sujet qui est aujourd’hui questionné.
Sans associations, il n’y aurait pas de politique publique. Il n’y en aurait aucune dans le champ de la lutte contre l’exclusion, aucune dans le champ de la lutte contre la pauvreté, aucune dans le champ de la protection de l’enfance, etc.
Aujourd’hui, les solidarités sont questionnées. Les associations qui mettent en œuvre les solidarités sont questionnées. Elles sont questionnées par des restrictions budgétaires, par la crise, par la pénurie des métiers de l’Humain et par le manque de reconnaissance des professionnels.
On veut cantonner les associations dans un rôle de sous-traitants malléable de l’action publique où finalement le dialogue de qualité sur l’action menée passent derrière un dialogue de gestion pour savoir combien vous coutez, et si vous pouvez faire mieux pour moins cher.
Dans certains territoires, des décideurs publiques disent ne plus avoir les moyens et sont donc contraint de réduire la voilure en termes d’accompagnement ou d’accueil. A cela, chacun est dans sa responsabilité. Néanmoins, si l’on décide de moins accompagner, alors il faut avoir la franchise et l’honnêteté de dire qui, demain, n’aura plus le droit à ces accompagnements.
Nous devons nous mettre chacun devant ses responsabilités. C’est pour cette raison que j’appelle à avoir un débat franc dans le pays sur ce que nous voulons faire en termes de solidarité, de santé, d’accompagnement, d’accueil, et des questions de vulnérabilité en général. A force de ne pas avoir ce débat, chacun se restreint dans sa propre réalité. Les élus ne sont pas foncièrement mauvais par nature, ils comptent leur budget, sont soumis à des contraintes budgétaires. De fait, l’Etat, les Départements investissent moins dans les politiques publiques.
« Qu’est-ce que l’on veut ? Qu’est-ce que l’on peut faire ensemble sur ces questions de citoyenneté, de solidarité et de santé ? » Nous manquons de ce débat citoyen dans le pays. C’est l’appel que je fais régulièrement, au même titre que d’autres dans notre réseau très vaste de l’Uniopss : 25 000 établissements et services dans toute la France, regroupant aussi de grandes fédérations qui sont adhérentes au niveau national. Ce débat est nécessaire pour questionner les solidarités et pour questionner le rôle des associations dans la liberté de leurs projets associatifs afin de mettre en œuvre les solidarités.
Enfin, et pour conclure, je souhaite revenir sur les temps électoraux qui nous attendent. Chacun est libre dans ce pays. Chacun a les convictions qu’il porte. Mais en tant que président d’une Union nationale créée au lendemain de la seconde guerre mondiale par des réseaux des solidarités et de la santé qui ont choisi de se regrouper pour peser sur les politiques publiques, ça me donne une responsabilité.
La solidarité ce n’est pas un supplément d’âme, la solidarité ce n’est pas seulement regarder des situations de vulnérabilités et apporter une réponse. La solidarité ce n’est pas seulement un but. Dans ce pays, les solidarités, ce sont des moyens. Ce sont les moyens d’une société solide opposée les uns avec les autres suivant leur couleur de peau, leur origine réelle et supposée, leur religion réelle et supposée, le fait d’être un homme ou une femme, etc.
L’UNIOPSS n’appelle pas à voter pour les uns ou pour les autres. Mais très clairement, l’UNIOPSS appelle à voter contre. Chacun peut faire son choix car nous avons la chance d’être dans un pays démocratique. Dans les périodes troublées, il n’y a que les discours clairs qui demeurent.
Antoine de Saint-Exupéry disait « Une démocratie doit être une fraternité ; sinon, c’est une imposture ». Je vous engage, toutes et tous, à ne pas être des imposteurs de l’Histoire.